Quand le culte de la « déesse automobile » conduit à des aberrations…Un point de vue militant !
Il est intéressant de se pencher sur les recommandations du CNSR en faveur de la sécurité routière, citées par l’Indépendant du 6 octobre. La mesure phare, ramener la vitesse limite à 80 km/h sur les principales routes, serait sans doute efficace, si elle était appliquée, mais, à part quelques changements de panneaux indicateurs, on reste un peu dans l’abstrait. Par contre, la proposition de supprimer tous les arbres, poteaux et murs bordant les chaussées ne fait pas dans la dentelle. La priorité reste à l’automobiliste dans sa caisse à air conditionnée, au détriment des autres usagers, cyclistes, piétons, cavaliers, qui préfèreraient peut-être circuler dans la fraîcheur de l’ombre que sous un soleil de feu. Remarquons que les arbres sont cités en premier, car très faciles à couper au ras du sol, alors que certains murs seront moins évidents à détruire. Qu’un platane centenaire évapore 400 litres d’eau par jour et rende une route belle et agréable ne pèse rien face à l’exigence prioritaire de ceux qu’on induit ici à rouler plus vite. Nous voici donc en pleine contradiction. Les Anglais se sont aperçus que les automobilistes ralentissaient en présence d’objets voisins de la chaussée et replantent des arbres plus près de celle-ci. (1) Le nombre d’accidents de la route baisserait alors d’environ 20 %. Couper tous les arbres qui bordent une route me paraît un acte de barbarie porteur d’un avenir desséché. Par contre, il semblerait que le CNSR ne parle toujours pas de brider les moteurs, mesure concrète et contraignante, ou de limiter leur puissance. On sait très bien le faire pour les vélos à assistance électrique, dont le moteur ne peut dépasser 250 watts, et dont un raffinement particulièrement vicieux commence à retirer l’aide motorisée dès 15 km/h, alors que la vitesse limite réglementaire pour cet équipement est de 25 km/h. Peut-on imaginer des voitures où le bridage des moteurs débuterait à 60 km/h et serait total à 90 par exemple ? Non, bien sûr. J’ai bien conscience que je suis déjà dans le blasphème, car, en France, la priorité à la déesse « automobile » reste encore absolue et incontestable.
Jean Monestier
(1) « Du bon usage des arbres », de Francis Hallé, édité par DOMAINE DU POSSIBLE/ACTES SUD, p. 64.